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Génération 

metteur en scène?

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À la terrasse d’un café, au téléphone, par mail ou encore entre deux répétitions, le TU est parti à la rencontre du Birgit Ensemble, d’Anaïs Allais, du Collectif OS’O et de Tanguy Malik Bordage dont le dénominateur commun est leur jeunesse et leurs envies de chambouler, à leur manière, les codes du théâtre. Pour autant, cette question de génération metteur en scène est-elle une réalité ou une fiction ? Tour de la question en 6 000 signes, espaces compris. 

Julie Bertin et Jade Herbulot, les filles du Brigit Ensemble, mettent d’emblée les pieds dans le débat : « La notion même de génération est problématique ». Compliquée car difficile à cerner dans un monde où la frontière entre entertainement et exigence artistique est aussi épaisse qu’une feuille à rouler. Où les références nobles s’entremêlent avec les références pop et mainstream. « Nous avons tous regarder MTV. Nous avons tous grandi avec les séries, poursuit le doublé dames qui présente au TU-Nantes Pour un prélude, pièce articulée autour du passage à l’an 2000. Ce sont les marqueurs de notre génération ».

Même son de cloche chez Tanguy Malik Bordage, Le Loup des steppes nantais, qui, lorsque nous lui demandons qui serait le porte-drapeaux de cette génération metteur en scène, va puiser sa réponse au fond du cagibi pour en sortir le petit prince du cinéma indé US : Benh Zeitlin, réalisateur des Bêtes du sud sauvage. Au-delà du fait que ce grand-huit émotionnel ait littéralement scotché à son siège le metteur en scène de 31 ans, nous pouvons aussi lire entre ligne que le théâtre n’est plus, en 2016, le seul roi dans son royaume. « Le théâtre est très, trop, cérébral ; alors qu’il devrait être lié au sensible, à la rêverie, complète Tanguy. Tout le monde réfléchit trop ». 

« Je veux aller au bout de mon projet, le jouer sur scène et en faire le spectacle qui tue.»


Pour enfoncer les portes, jouer des coudes et se faire une place, tous ont décidé de se prendre en main afin de ne pas attendre le programmateur comme le sauveur. La devise de Tanguy est aussi aiguisé qu’une punchline d’un rappeur : « Je veux aller au bout de mon projet Loup des steppes, le jouer sur scène et en faire le spectacle qui tue de la rentrée ». Point, à la ligne.

C’est dans cette façon d’aborder leur discipline, aussi sèche qu’un coup de trique, que cette génération metteur en scène se retrouve. Pour David Czesienski, né à Berlin en 1985 et pensionnaire du Collectif OS’O, « notre génération est davantage frontale. En règle générale, nous n’avons pas peur de dire les choses ». Que ce soit de ce côté-ci ou de l’autre côté du Rhin, le metteur en scène de Timon/Titus ne voit pas de différence entre jeunesse allemande et française. «Il faut vraiment chercher pour en trouver une.» Et elles deux se rejoignent sur le terrain du collectif, du faire ensemble. «Vivre en compagnie, vivre en collectif permet au metteur en scène de ne pas se sentir trop isolé. Ainsi, chacun occupe une place importante.» Le metteur en scène est mort, vive le metteur en scène !

«C’est propre à notre génération que de multiplier les casquettes et de surtout casser les cases dans lesquelles on a voulu nous mettre, expliquent dans un même élan Julie Bertin et Jade Herbulot du Birgit Ensemble. Comédienne ou metteuse en scène, qu’importe ! Nous sommes les deux à la fois. Nous ne cessons de multiplier les allers/retours. Et d’ailleurs, à quel moment est-il interdit de faire cela ?»

« C’est la fin du metteur en scène roi ! »


Anaïs Allais, résidente de La Grange aux Belles et auteure du Silence des chauves-souris, regarde même encore plus loin que cette génération metteur en scène. «Cela ne me parle pas dans la mesure où je ne suis pas metteuse en scène, mais une auteure qui joue et met en scène. Ma langue maternelle, c’est l’écriture. Et j’ai le sentiment qu’aujourd’hui, le texte n’est plus forcément au centre de tout. Nous utilisons le son, la lumière, le corps du comédien comme une écriture également. Je me retrouve davantage dans cette question d’écriture polyphonique. La dramaturgie globale a pour tendance à désacraliser le texte, le mot. C’est la période de l’écriture au plateau. Je n’arrive pas avec un texte balisé. J’accumule en amont de la matière sur mon sujet avec laquelle j’arrive à la première résidence. Je n’ai pas de fil narratif et les comédiens ne savent pas ce qu’ils vont jouer. Je repars avec une nouvelle matière et je retravaille en fonction des retours des comédiens. Notre époque est propice au sur-mesure. C’est la fin du metteur en scène roi. La façon de travailler est désormais beaucoup plus horizontale.» La règle du jeu a donc cédé sa place à celle du jeu avant tout. « Le théâtre doit redevenir un lieu de l’imaginaire, poursuit Tanguy Bordage. Et plus généralement, il faut que nous arrêtions de nous plaindre et attendre que l’on nous donne tout. Il faut rester euphorique ».

Au fil des discussions, des échanges, nous nous sommes rendus compte que cette génération metteur en scène n’était pas sur la même longueur d’ondes. Et c’est tant mieux. Preuve que le discours officiel n’a plus de raison d’être et que tous, sans distinction, ne veulent pas, pour paraphraser Tanguy Bordage, « faire un petit spectacle sympa ». Non, tous veulent monter un spectacle comme si c’était le dernier. Comme si personne ne savait de quoi demain sera fait. Cette jeunesse théâtre met ses tripes sur la tables. Quitte à bouleverser, à chambouler une génération précédente qui n’aurait jamais cité la Rihanna ou le True Detective de leur époque dans leurs interviews. 


par Arnaud Bénureau

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Trois questions à… 


Anaïs Allais

1 - Selon vous, qu’est-ce qui caractérise votre génération ? Et comment les questions que cela engendre s’invitent-elles dans vos projets artistiques ?


2 - À quelle illustre génération auriez-vous souhaité appartenir ?


3 - Quelle est pour vous la figure de proue de votre génération ?

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Voir le trailer de Timon / Titus